Et tout commence par un mauvais début : un piètre départ dans la scolarité pour le jeune Daniel Pennacchioni. Oui, le roman est largement autobiographique. On se laisse raconter les déboires du cancre qu’était Pennac avant de devenir l’auteur à succès d’aujourd’hui. Fort de son expérience, il explique comment le mauvais élève, persuadé d’être un con, se renferme dans sa propre nullité. Mais pas de panique, il suffit de bien peu de chose pour tirer d’affaire un abonné aux zéros. « Les professeurs qui m’ont sauvé (…) n’étaient pas formés pour ça. Ils ne se sont pas préoccupés des origines de mon infirmité scolaire. Ils n’ont pas perdu de temps à en chercher les causes et pas davantage à me sermonner. (…) Ils ont plongé. (…) Ils ont fini par me sortir de là. Et beaucoup d’autres avec moi. Ils nous ont littéralement repêchés. Nous leur devons la vie. » Ne vous y trompez pas ! Daniel Pennac ne tombe jamais dans le mélodrame ni dans la critique moralisatrice d’un système scolaire en perdition. Il ne cherche pas de coupable, il ne fait que constater la difficulté - qu’elle provienne de conflits familiaux, sociaux ou tout simplement d’un manque de confiance en soi - que présentent certains jeunes à décrocher leur baccalauréat. Il traite les cancres avec réalisme et casse l’image de l’imbécile heureux, content de foutre la pagaille, du "je-m’en-foutiste" de la première heure. Le mauvais élève est généralement un adolescent malheureux, blasé, qui n’en fout pas une, non pas par plaisir mais par peur de ne pas comprendre, de se voir confirmer qu’il est bien celui qu’il croit être. « (…) en profiter pour résoudre quelques problèmes, à commencer par les plus urgents de tous : cette peur de ne pas y arriver, cette tentation de t’en foutre (…). Il y a des tas de gens, dans cette ville, qui ont peur de ne pas y arriver et qui croient s’en foutre… Mais il ne s’en foutent pas du tout ; ils friment, ils dépriment, ils dérivent, ils gueulent, ils cognent, ils jouent à faire peur (…) » Le cancre devient ici, non pas l’élève à rejeter, le pollueur des bonnes consciences mais le jeune à rassurer, à persuader qu’il a des capacités intellectuelles. Répétons que ce roman-document contient de petites parcelles de vie de Daniel Pennac. Les pages sont parsemées d’anecdotes relatives au travail de ce dernier avec ses élèves et, les méthodes utilisées par le professeur Pennacchioni font souvent réfléchir et parfois sourire. A souligner que tout n’est pas toujours rose et que l’auteur de la saga Malaussène n’hésite pas à nous parler de certains échecs rencontrés au cours de sa carrière.
L’amour des livres
On n’y coupe pas et honnêtement, tant mieux ! Impossible pour Daniel Pennac de ne pas faire référence à des œuvres littéraires. C’est un plaisir de lire une tirade, au détour de l’une ou l’autre page, d’un des auteurs appréciés par l’écrivain, plaisir de la lecture qu’il essaie d’inculquer à ses élèves et plaisir de rappeler ou de faire connaître à ses lecteurs des noms et des envolées lyriques. Et comme il le dit lui-même « M’occuper d’eux (les élèves) avec le clair souvenir de ce que je fus. Pour le reste, la littérature ! Le roman ! L’enseignement et le roman ! Lire, écrire, enseigner ! »
Et le mystère Renaudot dans tout ça ? Magouille ? Mystère… On dira qu’il y a deux sortes d’écrivains, ceux qui écrivent pour le plaisir d’écrire et ceux-là : « Ceux-là n’écrivent pas pour écrire, mais pour avoir écrit » confer Daniel Pennac in La petite marchande de prose. En gros, Pennac écrit par plaisir, pour se faire plaisir et j’imagine pour nous faire plaisir aussi. Il n’est sûrement pas de ceux qui relatent une histoire dans le but d’obtenir une récompense. Mais voilà, un beau jour, il reçoit un prix, Renaudot de surcroît. Va-t-il cracher dessus? Va-t-il le refuser ? Non bien entendu ! Et depuis lors, certains s’acharnent en criant à l’injustice. Il est vrai que le Renaudot récompense les meilleurs romans, pas les essais ! Mais si Chagrin d’école n’est pas un roman-fiction, on ne peut pas non plus le cataloguer comme essai. On dira qu’il s’agit d’un roman autobiographique avec des réflexions propres à l’auteur et un brin de fantaisie. Rappelons que Chagrin d’école est écrit sur le même modèle que Comme un roman, œuvre « Pennacienne » sortie en 1992 sur le thème du plaisir de la lecture, livre publié chez Folio et non pas chez Folio Essais. Vive la polémique ! De plus, l’écrivain est-il responsable? A t–il des comptes à rendre ? Et puis, entre-nous, le Prix Renaudot… Qu’est-ce qu’on s’en fout ! Daniel Pennac s’est vu décerner le prix, tant mieux pour lui ! Bien idiots ceux qui achètent un livre simplement parce qu’il a reçu l’éloge. Et quand on voit le nombre de romans soporifiques et facilement moralisateurs ou d’essais pompeux qui reçoivent ce genre de prix, (oui, j’ai envie d’être médisant !) on se dit que c’est presque une insulte pour Daniel Pennac dont les oeuvres sont loin, très loin heureusement, de ce qui peut se faire en la matière.
J.W.
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