Les épatants Messieurs Affleck
Denis Lehane, auteur américain dont une autre œuvre, Mystic River, a été portée sur grand écran avec maestria par Clint Eastwood en 2003, a vu un autre de ses romans, Gone Baby Gone. Adapté au cinéma par Ben Affleck et avec Casey Affleck dans le rôle titre, le film montre l’alchimie qui existe entre les deux frères qui a donné naissance à un chef-d’œuvre du film noir.
Dans une banlieue ouvrière de Boston, Amanda, une fillette de quatre ans, a disparu. La police ne parvenant pas à retrouver sa trace, l’oncle et la tante de l’enfant décident de faire appel à des détectives privés de la région, Patrick Kenzie et Angie Gennaro. Plus ils enquêtent, plus ils découvrent l’envers de la ville dans ce qu’il y a de plus ténébreux et terrifiant : ils vont fouiner, fouiller, déterrer de sordides secrets tout en croisant la route de dealers, de criminels et de pédophiles. Dans le même temps, face à la pression médiatique, Remy Bressant et son supérieur, le capitaine de police Jack Doyle, vont mener de leur côté l’enquête dans une affaire qui s’annonce de plus en plus sordide.
Tourné en juin 2006, Gone Baby Gone a longtemps été retardé à cause de « l’affaire Maddie » avec laquelle le film partage de très nombreuses ressemblances. Si le délai d’attente fut long, force est de constater que cette première réalisation de Ben Affleck est d’une densité rare et d’une acuité extraordinaire. Son film résonne par sa lucidité sur notre monde contemporain, ses excès, ses pêchés et son mal-être permanent. Dès les premières secondes, Gone Baby Gone nous prend aux trippes par une musique magnifique, et l’émotion qui s’en dégage ne nous quitte pas, même lorsque le film est terminé. Ben Affleck, acteur capable du meilleur (Hollywoodland pour lequel il a reçu le prix d’interprétation masculin lors de la 63ème édition de la Mostra de Venise en 2006) comme du pire (Pearl Harbor), montre, pour son premier passage derrière la caméra, un talent étonnant en faisant preuve d’une sidérante sensibilité sans en faire trop. De surcroit, il a lui-même réalisé l’adaptation scénaristique du roman de Denis Lehane, démontrant un réel talent d’auteur (son précédent scénario, Will Hunting, coécrit avec Matt Damon en 1998, avait été un franc succès critique et commercial lors de son adaptation cinématographique par Gus Van Sant). Casey Affleck, le petit frère de l’autre, après avoir volé la vedette à Brad Pitt dans L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, y interprète avec beaucoup de conviction un détective privé par très net, déroutant et dérangeant. Ce garçon, j’en suis certain, est l’un des futurs grands acteurs des prochaines années ! Le reste du casting est épatant. Mention spéciale pour Ed Harris et Morgan Freeman qui crèvent tous les deux l’écran par leur charisme. Tous les ingrédients sont réunis pour nous fournir un délicieux cocktail de près de deux heures duquel l’être humain ne sort pas grandi de cet épatant film dramatique.
Si Gone Baby Gone évoque le drame des enfants disparus, il faut savoir que ce sujet reste extrêmement tabou dans notre société. Pour information, aux Etats-Unis, 85 à 90% des cas de personnes disparues que recense la police sont des mineurs. En 2007, un rapport du Département américain de la Justice notait que 797 500 enfants de moins de 18 ans ont été déclarés disparus sur une période d’un an. Par ailleurs, on estime qu’aux Etats-Unis, un garçon sur huit et une fille sur quatre sera sexuellement exploitée ou victime de sévices sexuels avant d’atteindre l’âge adulte. Au final, 99% des enfants disparus sont retrouvés grâce aux recherches de la police. Mais il reste environ 10 000 enfants par an qui ne sont jamais retrouvés…
Bruckheimer revisite l’histoire des Etats-Unis
La recette miracle est bien connue à Hollywood : les héros ne prennent pas de repos, surtout s’ils déchaînent les passions au box-office. Jerry Bruckheimer, producteur de nombreux blockbusters américains depuis plus de vingt ans, (Les trilogies Le Flic de Beverly Hills et Pirates des Caraïbes, Bad Boys I et II, Pearl Habor,…) en véritable alchimiste du septième art, est capable de transformer le pire des scénarii en succès cinématographique mondial. Ainsi, après la bagatelle d’environ 200 millions de dollars engrangés à travers le monde en 2004 grâce au film Benjamin Gates et le trésor des Templiers, le producteur américain, sachant qu’il ne faut jamais tuer une poule aux œufs d’or, nous offre un second épisode distrayant mais encore plus inconcevable que son prédécesseur.
Benjamin Gates et le Livre des Secrets démarre plutôt bien – si l’on peut dire – avec le meurtre d’Abraham Lincoln au XIXe siècle. Son assassin laisse derrière lui son journal intime contenant les véritables raisons du crime qu’il a commis. Malheureusement, 18 pages sont manquantes alors que certaines de celles-ci pourraient innocenter un aïeul de Benjamin Gates dans cette conspiration. Retour au XXIe siècle où l’aventurier, devenu célèbre, jouit pleinement de sa grande fortune acquise à la fin du premier opus. Pour laver l’honneur de sa famille et de son ancêtre, Benjamin Gates, aidé par une fine équipe, repart à l’aventure. En menant son enquête, il se rend vite compte que le meurtre de l’ancien Président dissimule une toute autre histoire : l’un des secrets les mieux gardés de l’Histoire américaine.
Disons le tout de suite, ces nouvelles aventures de Benjamin Gates ne sont pas à la hauteur de celles du première épisode. A nouveau derrière la caméra, Jon Turteltaub offre une réalisation insipide pour une histoire sans surprise. Certes, on ne s’ennuie pas une seule seconde car les péripéties sont nombreuses et s’enchaînent très rapidement. Malheureusement, l’humour injecté dans le récit pèse des tonnes, Benjamin Gates étant aussi drôle qu’un clown asmatique. Si les invraisemblances abondent de partout, le pire est, tout comme dans le premier opus, de relever les nombreux relents patriotiques américains : ainsi, Benjamin Gates se bat pour sa famille… mais aussi son pays, la plus grande de toutes les nations du monde ! Ce mode de pensée, quelque peu inquiétant, ferait passer l’idéologie de certains films de guerre de l’Oncle Sam pour des divertissements infantiles… Consternant ou effrayant ?
Heureusement, le casting cinq étoiles (Nicolas Cage, Diane Kruger, Ed Harris, Jon Voight, Helen Mirren, Harvey Keitel) arrive à sauver ce film divertissant mais totalement insipide, sans ironie ni malice. Aussitôt vu, aussitôt oublié ! Vivement le 21 mai prochain et le retour du "plus grand archéologue au fouet de l’histoire du cinéma" dans Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal.
J.D.
mardi 8 janvier 2008
mercredi 2 janvier 2008
Les nouvelles sanctions du partage
Le téléchargement de mp3 et de divx est interdit. Tout le monde le sait, mais qui s’en soucie ? Nicolas Sarkozy s’est penché sur la question fin 2007, afin de mieux sanctionner les méchants pirates qui partagent illégalement leurs fichiers sur le P2P. C’est l’occasion de faire le point sur les risques que courent les Belges par rapport à leurs downloads ; l’occasion aussi de constater à quel point les autorités pataugent dans le domaine de l’anti-piratage.
La nouvelle menace
Le dernier accord sanctionnant le téléchargement non commercial datait d’août 2006. Le gouvernement Chirac avait alors décidé de condamner les pirates (soit une dizaine de millions de Français) à trois ans d’emprisonnement et à 300 000 € d’amende.
Or, Nicolas Sarkozy n’a pas prévu d’augmenter le nombre de prisons dans son programme et cette loi a été jugée inapplicable (tiens donc ?). Il y a un peu plus d’un mois, le président français a donc décidé de régler le problème de la crise du disque causé par ce qu’il a appelé « du vol à l’étalage ». Pour cela, il avait réuni quelques amis autour de la table, des gardiens de la culture payante, la "crème de la crème" : Didier Barbelivien, Christian Clavier, Patrick Bruel et j’en passe.
Denis Oliviennes, PDG des magasins FNAC s’est vu confier une mission qui consistait à créer une loi applicable cette fois-ci contre les téléchargements. Un accord a fini par aboutir. Grâce à une étroite collaboration entre les industries du disque, du film et les fournisseurs d’accès à Internet, les internautes connaîtront une riposte graduée. Le contrevenant se verra envoyer un premier message d’avertissement et ensuite un deuxième. Au troisième, on vous coupe la connexion. Simple et efficace, selon eux. Aux States et en Grande Bretagne, où une loi similaire existe, 70% des gens qui échangent leurs fichiers se seraient sérieusement calmés après le deuxième avertissement.
En Belgique
Chez nous le problème est plus compliqué. La culture étant une compétence communautarisée, le gouvernement belge est dans l’impossibilité de se mettre autour de la table pour ce genre de sujet. Néanmoins, la Sabam qui gère les droits d’auteurs en Belgique travaille en étroite collaboration avec le fournisseur d’accès Scarlet afin de mettre au point un système de filtrage empêchant le téléchargement au contenu protégé. Ces derniers mois, Belgacom qui gère un grand contenu à protéger (si l’on compte le web et la télé) s’est montré moins rigide quant à une collaboration avec les industries du disque.
Pratiquement
La mission Oliviennes n’est pas si facilement applicable. Pour sanctionner les pirates, il faudrait les identifier, ce qui n’est pas chose aisée puisque les P2P sont pour la plupart "open source". En d’autres termes n’importe quel internaute peut se servir du logiciel et le modifier de façon anonyme. « Pas grave » se disent le PDG de la FNAC et ses acolytes. Ils se laissent jusqu’en 2010 pour installer des programmes efficaces de filtrages. Et même si l’accord d’Oliviennes était vraiment efficace, les fournisseurs d’accès verraient-ils d’un bon oeil le fait de résilier les abonnements de plusieurs millions de clients ?
Ce nouvel accord n’est pas l’unique solution à la crise du disque. SpiralFrog aux USA, propose de rémunérer les ayants droits (les artistes par exemple) grâce au pourcentage du bénéfice de la publicité engrangée via le téléchargement de leurs œuvres. Ils auraient trouvé là un enrichissement à la gratuité.
En attendant, chez nous, rien d’applicable, rien de sérieux, rien de très menaçant. La résolution d’arrêter le téléchargement illégal sera peut-être pour une autre année.
S.C.
La nouvelle menace
Le dernier accord sanctionnant le téléchargement non commercial datait d’août 2006. Le gouvernement Chirac avait alors décidé de condamner les pirates (soit une dizaine de millions de Français) à trois ans d’emprisonnement et à 300 000 € d’amende.
Or, Nicolas Sarkozy n’a pas prévu d’augmenter le nombre de prisons dans son programme et cette loi a été jugée inapplicable (tiens donc ?). Il y a un peu plus d’un mois, le président français a donc décidé de régler le problème de la crise du disque causé par ce qu’il a appelé « du vol à l’étalage ». Pour cela, il avait réuni quelques amis autour de la table, des gardiens de la culture payante, la "crème de la crème" : Didier Barbelivien, Christian Clavier, Patrick Bruel et j’en passe.
Denis Oliviennes, PDG des magasins FNAC s’est vu confier une mission qui consistait à créer une loi applicable cette fois-ci contre les téléchargements. Un accord a fini par aboutir. Grâce à une étroite collaboration entre les industries du disque, du film et les fournisseurs d’accès à Internet, les internautes connaîtront une riposte graduée. Le contrevenant se verra envoyer un premier message d’avertissement et ensuite un deuxième. Au troisième, on vous coupe la connexion. Simple et efficace, selon eux. Aux States et en Grande Bretagne, où une loi similaire existe, 70% des gens qui échangent leurs fichiers se seraient sérieusement calmés après le deuxième avertissement.
En Belgique
Chez nous le problème est plus compliqué. La culture étant une compétence communautarisée, le gouvernement belge est dans l’impossibilité de se mettre autour de la table pour ce genre de sujet. Néanmoins, la Sabam qui gère les droits d’auteurs en Belgique travaille en étroite collaboration avec le fournisseur d’accès Scarlet afin de mettre au point un système de filtrage empêchant le téléchargement au contenu protégé. Ces derniers mois, Belgacom qui gère un grand contenu à protéger (si l’on compte le web et la télé) s’est montré moins rigide quant à une collaboration avec les industries du disque.
Pratiquement
La mission Oliviennes n’est pas si facilement applicable. Pour sanctionner les pirates, il faudrait les identifier, ce qui n’est pas chose aisée puisque les P2P sont pour la plupart "open source". En d’autres termes n’importe quel internaute peut se servir du logiciel et le modifier de façon anonyme. « Pas grave » se disent le PDG de la FNAC et ses acolytes. Ils se laissent jusqu’en 2010 pour installer des programmes efficaces de filtrages. Et même si l’accord d’Oliviennes était vraiment efficace, les fournisseurs d’accès verraient-ils d’un bon oeil le fait de résilier les abonnements de plusieurs millions de clients ?
Ce nouvel accord n’est pas l’unique solution à la crise du disque. SpiralFrog aux USA, propose de rémunérer les ayants droits (les artistes par exemple) grâce au pourcentage du bénéfice de la publicité engrangée via le téléchargement de leurs œuvres. Ils auraient trouvé là un enrichissement à la gratuité.
En attendant, chez nous, rien d’applicable, rien de sérieux, rien de très menaçant. La résolution d’arrêter le téléchargement illégal sera peut-être pour une autre année.
S.C.
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